Chapitre VI. La procédure législative/ Section 5. La navette/

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Section 5. La navette

« Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique » (art. 45, al. 1 de la Constitution). Cela signifie que pour aboutir au texte de loi définitif, un projet, ou une proposition, doit avoir été adopté en termes identiques par les deux assemblées.

La procédure conduisant à l’adoption définitive d’un texte consiste en un mouvement de va-et-vient du texte entre les deux assemblées, d’où le nom de navette, chacune étant appelée à examiner et, éventuellement, à modifier le texte adopté par l’autre ; seuls les articles sur lesquels demeure une divergence, restent en discussion. Chaque examen par une assemblée est appelé « lecture ».

La navette prend fin lorsqu’une assemblée adopte sans modification, pour chacun de ses articles, le texte précédemment adopté par l’autre.

I. – La transmission et les lectures successives

Le texte adopté par la première assemblée saisie est transmis sans délai à l’autre assemblée qui l’examine à son tour, en première lecture, selon les mêmes modalités : examen par une commission, inscription à l’ordre du jour, discussion en séance publique.

Si la seconde assemblée adopte tous les articles du texte qui lui a été transmis sans modification, ce texte est définitivement adopté. Dans le cas contraire, la navette se poursuit entre les deux assemblées.
Comme on l’a vu, à partir de la deuxième lecture, les articles précédemment votés en termes identiques par l’une et l’autre assemblée ne sont pas remis en discussion : dits « conformes » ils sont exclus du champ de la navette et ne figurent plus dans le texte des transmissions.

Seuls restent en discussion les articles du texte pour lesquels les deux assemblées ne sont pas parvenus à l’adoption d’un texte identique, sous les réserves suivantes :
- jusqu’au vote final dans la dernière assemblée, l’intitulé des projets et propositions, ainsi que les subdivisions internes (titres, chapitres, sections, etc.), ne sont jamais considérés comme conformes ;
- les articles déjà adoptés conformes peuvent être modifiés pour le seul motif de coordination avec d’autres dispositions du texte.
La navette se poursuit en deuxième, troisième, voire quatrième lecture et plus, tant que tous les articles n’ont pas été adoptés dans les mêmes termes. Toutefois, la Constitution de 1958 a institué des procédures permettant au Gouvernement d’accélérer le vote définitif d’un texte en interrompant le cours normal de la navette.

II. – Le recours à la procédure de conciliation : la commission mixte paritaire

« Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s’y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. » (art. 45, al. 2 de la Constitution).

Cette procédure de conciliation consiste à provoquer la réunion d’une commission comprenant sept députés et sept sénateurs (auxquels s’ajoutent autant de membres suppléants), d’où l’appellation de commission mixte paritaire (CMP). Sa composition politique doit refléter celle des assemblées : ainsi, à l’Assemblée nationale, sous la XIIIème législature, les membres titulaires de ces commissions appartiennent pour quatre d’entre eux au groupe UMP qui dispose de la majorité absolue des sièges de l’Assemblée nationale, les trois autres au groupe au groupe majoritaire de l’opposition. Au Sénat, la composition des CMP n’est pas fixe mais reflète toujours un équilibre de quatre sénateurs de la majorité et trois de l’opposition, tant pour les titulaires que pour les suppléants.
Cette commission désigne son Bureau. Le président de la CMP est traditionnellement le président de la commission saisie au fond de l’assemblée où se tient la commission mixte, le vice-président étant le président de la commission saisie au fond de l’autre assemblée. Le Bureau comprend également deux rapporteurs, un député et un sénateur, qui seront chargés de rendre compte de ses travaux devant leur assemblée respective. En règle générale, ce sont les rapporteurs de chaque commission saisie au fond qui occupent ces postes.

Au cours de cette réunion, ces parlementaires cherchent à trouver un texte de compromis pour tous les articles qui restent encore en discussion. Ils peuvent décider de retenir la rédaction précédemment adoptée par l’une ou l’autre assemblée ou bien d’élaborer, pour certains articles, une rédaction nouvelle de transaction.

Il n’existe pas de règles encadrant impérativement les débats en CMP (les articles peuvent ainsi être appelés ou non dans leur ordre numérique). Les votes sont rares (une disposition mise aux voix n’est, par définition, pas consensuelle) et ont généralement lieu à main levée. Les suppléants ne votent que pour maintenir la parité entre les deux chambres.

Les travaux de cette commission sont consignés dans un rapport. Si les membres de la CMP élaborent et adoptent un texte de compromis, ce texte est reproduit dans le rapport. Dans le cas contraire, le rapport expose les raisons pour lesquelles la conciliation n’a pas pu se faire.
À ce stade, différentes hypothèses se présentent, avec des conséquences elles-mêmes différentes, sur la suite de la procédure d’adoption du texte.

A)- La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte de compromis

Dans ce cas, le Gouvernement peut soumettre ce texte à l’approbation de l’une puis de l’autre assemblée. Mais il peut également, notamment si le texte de compromis ne lui convient pas, renoncer à faire statuer les assemblées sur ce texte. Dans ce cas, la navette reprend au stade où elle avait été interrompue et doit se poursuivre jusqu’à l’adoption du texte en termes identiques par les deux assemblées.

La discussion, en séance publique, des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire s’ouvre par l’exposé du rapporteur de la commission mixte, suivi des interventions du Gouvernement et des orateurs inscrits dans la discussion générale. La discussion des articles se limite à la discussion et au vote des amendements. Pour cette lecture, seuls les amendements du Gouvernement ou ceux acceptés par lui peuvent être déposés. Chaque assemblée procède ensuite au vote sur l’ensemble du texte, compte tenu de la rédaction retenue par la CMP, éventuellement modifiée par les amendements.

Si chaque assemblée adopte l’ensemble d’un projet ou d’une proposition de loi, compte tenu du texte élaboré par la CMP, éventuellement modifié par les mêmes amendements, la procédure de conciliation a réussi et le texte est définitif.

B) - L’échec de la procédure de conciliation : possibilité de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale

Si la CMP n’est pas parvenue à établir un texte de compromis ou si le texte de compromis est rejeté par l’une ou l’autre assemblée ou, enfin, si des amendements au texte de la CMP adoptés par une assemblée ne le sont pas par l’autre, il y a échec de la procédure de conciliation. Dans ces différents cas, le Gouvernement a la possibilité de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale.

Cette procédure comporte trois étapes se déroulant dans l’ordre suivant : la nouvelle lecture par l’Assemblée, la nouvelle lecture par le Sénat et la lecture définitive par l’Assemblée nationale.

Lors de la nouvelle lecture, l’Assemblée nationale délibère sur le dernier texte adopté avant que ne s’engage la procédure de conciliation. Ceci signifie que dans le cas d’un texte déposé en première lecture au Sénat, l’Assemblée nationale réexamine le texte qu’elle a adopté en dernier lieu. Ce texte fait l’objet d’un examen en commission et est discuté selon la procédure ordinaire. Le texte adopté par l’Assemblée nationale est transmis au Sénat qui l’examine également selon la procédure ordinaire. Si le Sénat l’adopte sans modification, le texte est définitivement adopté. Dans le cas contraire, il est transmis à l’Assemblée nationale en vue de la lecture définitive.

Lors de la lecture définitive, l’Assemblée nationale délibère dans un cadre strictement délimité. Elle statue, sur proposition de la commission, soit sur le texte établi par la commission mixte paritaire, s’il y en a un, soit sur le texte qu’elle a adopté au cours de la nouvelle lecture. Dans ce dernier cas, elle ne peut adopter d’autres amendements que ceux adoptés par le Sénat lors de sa nouvelle lecture.