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Chapitre III. L'aide à l'exercice du mandat

Synthèses

par Rémi Schenberg

Pour assurer l’indépendance du mandat parlementaire, les premières garanties sont, comme on l’a vu, d’ordre juridique, au travers des différents mécanismes d’inviolabilité, d’incompatibilité, de conflits d’intérêts ou, dans les parlements du type britannique, de privilèges parlementaires.

Toutefois, aussi complètes soient-elles, ces protections juridiques n’épuisent pas à elles seules la question du libre exercice du mandat parlementaire. D’abord, parce que celui-ci expose son titulaire à des dépenses, notamment matérielles et logistiques, dont il ne peut assumer seul la charge, sauf à favoriser les parlementaires qui disposent, en propre, d’importants moyens financiers. En l’occurrence, il s’agit donc d’assurer l’égalité des parlementaires face aux charges directement imputables à leur mandat. Ensuite, pour exercer leur mandat représentatif en toute indépendance, les parlementaires doivent être mis à l’abri des éventuelles pressions financières susceptibles de les influencer dans l’exercice de leurs fonctions.

C’est pourquoi, à de très rares exceptions près, les parlements consentent à leurs membres des aides, aussi bien personnelles que collectives1. Celles-ci peuvent, bien entendu, varier dans leur nature et dans leur montant, mais, dans ce domaine, les différences sont assez peu marquées entre parlements et, en la matière, les besoins inhérents à la fonction parlementaire apparaissent plus déterminants que la tradition juridique dont relève chacune des assemblées.

C’est ainsi que, peu ou prou, la très grande majorité des parlementaires de l’espace francophone disposent, au chapitre des aides individuelles, d’une indemnité parlementaire, du remboursement d’une part plus ou moins large de leur frais, d’une protection sociale plus ou moins complète et, dans certains cas, d’une masse salariale pour la rémunération de collaborateurs personnels. Sur le plan collectif, ils bénéficient aussi, indirectement, des budgets attribués à leur groupe politique et de l’ensemble des services assurés par la machine administrative de l’assemblée à laquelle ils appartiennent.

1.- Les aides individuelles

11.- L’indemnité parlementaire

La quasi-totalité des parlements de l’espace francophone versent aux parlementaires des indemnités. Tout en posant le principe de l’indemnité parlementaire, le Sénégal prévoit cependant que le député fonctionnaire continue à toucher son traitement si celui-ci est plus élevé que l’indemnité parlementaire. Ne fait donc véritablement exception à cette règle que le Conseil national monégasque où les députés ne sont pas considérés comme exerçant un mandat professionnel.

En règle générale, l’indemnité parlementaire peut donc être perçue comme la contrepartie d’une activité professionnelle. Dans certains parlements, le montant de l’indemnité est fixé en référence aux rémunérations du secteur public, qu’il s’agisse de la fonction publique (France) ou de la magistrature (Communauté française de Belgique, Sénégal). En Roumanie, l’indexation de l’indemnité s’effectue selon le même pourcentage que celui applicable au personnel travaillant dans le système budgétaire. Par contre, à la Chambre des communes et au Sénat du Canada, selon la loi, l’indemnité est réajustée au vu de l’évolution de certaines rémunérations dans le secteur privé, telle qu’elle résulte des ententes qui y ont été conclues.

Puisqu’elle est assimilée à un salaire, l’indemnité parlementaire possède certaines caractéristiques.

En premier lieu, l’indemnité parlementaire stricto sensu n’a pas pour vocation, en principe, à couvrir les frais liés au mandat qui font l’objet, le cas échéant, du versement d’une indemnité spécifique, comme on le verra ci-après.

Seules la Chambre des députés du Luxembourg et l’Assemblée nationale du Sénégal semblent se distinguer sur ce point, puisque la moitié de l’indemnité parlementaire à proprement parler y correspond explicitement à des frais de représentation ou des frais professionnels. En France, à l’Assemblée nationale et au Sénat, la situation est plus nuancée : l’indemnité parlementaire y est composée de trois éléments, dont deux sont fixés par analogie avec les rémunérations des fonctionnaires, alors que le troisième est une indemnité de fonction spécifique.

Puisqu’elle correspond à une rémunération d’activité professionnelle, l’indemnité parlementaire est imposable. Lorsque cette information est disponible, l’imposition se fait, selon le cas, soit dans la catégorie des traitements et salaires (France) ou comme un revenu de profession libérale (Communauté française de Belgique). En revanche, lorsqu’une partie de l’ indemnité correspond à des frais professionnels, celle-ci est non imposable. C’est donc le cas au Luxembourg, au Sénégal et en France pour la fraction de l’indemnité assimilée à une indemnité de fonction.

Très majoritairement, l’indemnité parlementaire est versée mensuellement, quand bien même son montant est, en application de la loi, fixé en terme annuel (Québec et Parlement du Canada). Sur ce point, seul le parlement suisse adopte une façon de faire différente, les indemnités étant fixées par jours de séance.

En principe, l’indemnité parlementaire est un montant forfaitaire qui couvre les divers aspects de l’activité parlementaire. Certaines sections accordent cependant à leurs parlementaires une rémunération supplémentaire liée à la participation effective aux travaux. Tel est le cas au Luxembourg, sous la forme de jetons de présence et à Madagascar, au moyen du versement d’une indemnité journalière de présence.
Enfin, assimilée à la rémunération d’une activité professionnelle, le montant de l’indemnité parlementaire peut varier au gré des fonctions parlementaires exercées.

C’est dans les parlements du type britannique – Parlement fédéral du Canada et Québec – que cette logique est la plus systématique. Il faut y voir une manifestation des spécificités de ces systèmes parlementaires où premiers ministres et ministres sont députés, où les fonctions parlementaires sont nombreuses et essentielles (Leaders parlementaires, Whip, présidents de caucus, secrétaires ou adjoints parlementaires des ministres…) et où l’opposition dispose d’un statut institutionnel. Par exemple, à l’Assemblée nationale du Québec, l’indemnité additionnelle qui vient majorer l’indemnité de base varie de 105 % de celle-ci pour le premier ministre à 15 % pour un membre du Bureau, en passant par 35% pour le leader de l’opposition officielle.
Dans les autres assemblées, les suppléments de rémunération sont également prévus, mais leur champ d’application est généralement plus restreint. Pour l’essentiel, ils bénéficient aux membres de la présidence, présidents de groupe et de commission, membres du Bureau.

12.- Le remboursement des frais

Dans l’exercice de leur mandat, les parlementaires sont exposés à de multiples frais, imputables aussi bien à leur statut d’élu représentant une partie de la population qu’à leurs activités parlementaires en tant que telles. Certes, les tâches de législateur et de contrôleur de l’action du gouvernement conduites dans l’enceinte d’une assemblée législative constituent l’activité professionnelle pour laquelle le parlementaire bénéficie d’un « salaire », l’indemnité parlementaire, mais il n’en reste pas moins que, au-delà, le mandat représentatif génère des dépenses qui ne sont pas couvertes par la contrepartie normale de l’exercice des fonctions classiques de membre d’une assemblée législative.
C’est la raison pour laquelle tous les parlements accordent à leurs membres une forme de compensation des frais liés à l’exercice du mandat. La nature, les montants et les modalités de cette contribution peuvent varier, parfois en raison de considérations d’ordre géographique, comme au Québec, mais le principe même participe, à l’instar de l’indemnité parlementaire, du souci de garantir le bon et libre exercice du mandat représentatif.

En la matière, différentes modalités sont proposées, mais le schéma le plus fréquent est celui du versement d’une indemnité forfaitaire pour frais de mandat, toujours non imposable, destinée principalement à couvrir les dépenses de circonscription. Toutefois, certains parlements privilégient les dotations ou remboursements dédiés, correspondant à des postes de dépenses prédéterminés. Selon le cas, l’indemnité forfaitaire peut être complétée d’aides ponctuelles ou spécifiques, sous la forme de remboursement de frais ou de prestations en nature.
Le versement d’une indemnité forfaitaire additionnelle mensuelle est la norme en France, en Tunisie, au Parlement fédéral du Canada, au Québec, en Roumanie. Dans chacun de ces cas, il s’agit d’une somme versée chaque mois et destinée à couvrir les « frais de mandat » (France) ou les « faux frais » (Chambre des communes). En principe, de par son caractère forfaitaire, cette indemnité n’a pas à être justifiée, sauf en Roumanie où son versement doit donner lieu à un décompte de frais à la fin de chaque mois.

Au Parlement de la Communauté française de Belgique et au Luxembourg, même si l’indemnité pour frais est incluse dans l’indemnité parlementaire – elle y représente, on a vu, la moitié – la logique reste la même : il s’agit d’un versement forfaitaire, mensuel et non imposable.
Dans certaines assemblées, la prise en charge des frais liés à la fonction prend essentiellement la forme d’aides ou de contributions dédiées à la couverture de certaines dépenses spécifiques. Ainsi, en Suisse, les Parlementaires perçoivent une indemnité annuelle pour la « préparation des travaux parlementaires », ainsi qu’une contribution, également annuelle, aux dépenses de personnel et de matériel. En Macédoine et au Maroc, l’accent est mis sur les frais de transport qui font l’objet d’une allocation spécifique, de même qu’au Togo.
Il convient de noter que dans les sections où les frais de mandat ouvrent droit à une indemnité forfaitaire annuelle, celle-ci n’empêche pas, par ailleurs, la prise en charge de certaines autres dépenses particulières, pour tout ou partie, par l’Assemblée. Il en est ainsi des frais de transport, presque toujours individualisés sous la forme de remboursements de frais (Canada, Québec, Communauté française de Belgique), d’attribution de cartes de circulation ou équivalents (France, Roumanie, Tunisie), voire de mise à disposition de véhicules (Roumanie, Sénégal). De la même manière, les assemblées assument souvent tout ou partie des frais de logement exposés par les parlementaires qui ne résident pas à proximité de l’assemblée législative dont ils sont membres.

13.- La rémunération des collaborateurs

Dans les démocraties modernes, la fonction parlementaire s’est professionnalisée et, en phase avec les enjeux auxquels ces dernières sont confrontées, complexifiée et alourdie. En outre, dans la plupart des cas, les parlementaires exercent, dans les faits, une double activité, à savoir celle de législateur et contrôleur du gouvernement et celle d’élu local représentant une circonscription.

L’image de l’élu jouant de sa seule éloquence n’est souvent plus de mise et, par la force des choses, les parlementaires peuvent être amenés, le cas échéant, à devenir des chefs d’équipe. Dans ce contexte, la question des collaborateurs personnels de leurs membres devient donc un enjeu important pour les assemblées, étant entendu que, en cette matière, la « taille » relative des assemblées, la teneur des missions susceptibles d’être confiées aux parlementaires, ainsi que les arbitrages qu’elles font entre collaborateurs personnels, collaborateurs des groupes et fonction publique parlementaire sont autant de critères essentiels de décision.
De fait, en l’état actuel, les assemblée francophones se divisent entre celles qui ont mis en place un mécanisme de prise en charge des salaires des collaborateurs, qu’ils soient en poste dans l’enceinte du Parlement ou dans les bureaux de circonscription, et celles qui renvoient cette question à l’initiative individuelle des parlementaires.

Ainsi, certaines assemblées prennent parfois spécifiquement en charge les rémunérations des collaborateurs, sous la forme d’un crédit (France, Madagascar) ou d’une masse salariale (Québec). Dans ces cas, les budgets sont plafonnés et les sommes correspondantes directement versées aux intéressés. Au Parlement fédéral du Canada, la masse salariale pour les collaborateurs est incluse dans l’indemnité de fonctionnement des bureaux. Au Luxembourg, il s’agit du remboursement de la dépense y afférente, dans la limite d’un certain plafond.
D’autres assemblées ne prévoient pas de régime particulier. Les parlementaires doivent alors, au besoin, utiliser les différentes indemnités qui leur sont déjà versées à un titre ou à un autre ou leurs deniers personnels (Monaco), ou bien ils sont plutôt invités à utiliser les structures des groupes politiques qui, eux, en revanche, bénéficient de moyens publics (Maroc).

14.- Les bureaux et l’équipement informatique

La grande majorité des sections mettent à la disposition de leurs membres des locaux dans leurs enceintes. Il peut s’agir de bureaux individuels (Canada, France, Luxembourg, Québec…) ou d’espaces communs à partager (Tunisie). Seul le parlement monégasque se différencie sur ce point, les élus n’y disposant pas, pour le moment du moins, de bureaux personnels. En Suisse, la question immobilière est, in fine, du ressort des parlementaires eux-mêmes, les locaux nécessaires à leur activité étant financés à partir des indemnités prévues pour l’équipement des bureaux.

Le recours à l’informatique faisant désormais partie intégrante du travail parlementaire au quotidien, les assemblées voient également à l’équipement de leurs membres, soit en nature, en fournissant directement des matériels et outils bureautiques (Canada, Québec, Luxembourg, Tunisie, Roumanie), soit en consentant des dotations à cette fin (France, Suisse), généralement sous la forme d’un crédit global valable pour toute ou partie de la législature.

15.- La protection sociale

Dans l’ensemble, et d’une manière ou d’une autre, les assemblées de l’espace francophone fournissent à leurs membres à la fois une protection sociale, notamment au travers d’un régime d’assurance maladie et d’un régime de pensions. Il s’agit d’une conséquence logique de la nature professionnelle du mandat et de l’incompatibilité de celui-ci avec la plupart des autres fonctions, qu’elles soient publiques ou privées, qui ne permet pas aux membres de assemblées, durant la durée de leur mandat, de cotiser, à titre personnel, à un régime de protection sociale.

Deux cas particuliers font cependant exception à cette règle. Il s’agit, d’une part, du Conseil national monégasque, conformément à la nature non professionnelle du mandat qui y est exercé, et du Parlement fédéral suisse qui limite son intervention dans ce domaine à cofinancer les cotisations sociales acquittées à titre personnel par ses membres. En outre, ce dernier ne propose rien pour les pensions.

Si les autres sections assurent la protection de leurs membres contre les risques maladie, invalidité et vieillesse, les modalités utilisées sont, en revanche, variées. Dans chacun des cas, il convient, par ailleurs, de tenir compte des règles générales de couverture sociale en vigueur dans les différents pays (existence ou non d’un régime universel et/ou gratuit d’assurance santé, coexistence ou non de régimes publics et d’assurances privées…). On précisera, en tout état de cause, que la protection santé dont bénéficient les parlementaires s’étend également aux membres de leur famille.

Ainsi, un certain nombre de parlements francophones proposent, en fait, une affiliation aux régimes dont relève la fonction publique, moyennant, le cas échéant, quelques adaptations ponctuelles. On rencontre cette façon de faire, notamment, au Canada, au Luxembourg, au Sénégal et en Tunisie.

D’autres sections recourent plutôt à des systèmes d’assurance collective, comme au Québec et au Maroc.

La France, quant à elle, a opté pour un système particulier, puisque les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat, disposent chacune de leur propre régime spécial et autonome de sécurité sociale, extérieur au régime général dont relèvent normalement les autres salariés. Ce régime spécial, alimenté par les cotisations des intéressés, couvre l’ensemble des risques et assure à la fois le régime de base et les prestations complémentaires. La même logique vaut pour le régime des pensions, servies par des caisses de retraites également autonome.

2.- Les aides collectives

C’est sous cette rubrique que l’on regroupera le soutien matériel, technique et intellectuel apporté aux parlementaires, non seulement en raison de leur qualité de titulaires d’un mandat représentatif, mais aussi en tant que membres d’une organisation politique, le groupe parlementaire ou le parti auquel ils appartiennent, ou d’une institution dotée d’un appareil administratif.

L’assistance apportée aux parlementaires dans ces cadres peut être directe, sous la forme de prestations individualisées, le plus souvent en nature, et s’apparente alors au prolongement des aides individuelles recensées au paragraphe précédent. Mais cette assistance peut aussi être indirecte, auquel cas les parlementaires bénéficient des retombées des prestations collectives assurées par des structures politiques ou administratives auxquelles ils sont affiliés.


21.- L’assistance aux groupes parlementaires ou assimilés.

La majorité des sections consentent des aides aux groupes parlementaires, une fois que ceux-ci sont reconnus comme tels conformément aux règles applicables. N’y font exception que l’Assemblée de la République de Macédoine, le Parlement de Madagascar et celui du Togo, encore que, dans ce dernier cas, la situation résulte de considérations financières et non de principe.

Dans les autres sections, les groupes politiques, les partis reconnus ou les groupes parlementaires, selon la terminologie retenue (Cf. chapitre IV), c’est-à-dire les organes parlementaires regroupant des candidats élus sous la même bannière politique, bénéficient, de la part des assemblées parlementaires, d’aides à la fois matérielles et budgétaires.
C’est sans doute dans les parlements du type britannique que l’aide aux groupes parlementaires est la plus sophistiquée et la plus généreuse. Cette situation découle de l’essence même du système parlementaire britannique où les groupes sont l’expression parlementaire des partis politiques, où le gouvernement est l’émanation du groupe parlementaire majoritaire et où l’opposition bénéficie toujours d’un véritable statut.
À la Chambre des communes et au Sénat du Canada, cela se traduit par la mise à disposition de locaux, d’une masse salariale et de fonds de recherche substantiels. À l’Assemblée nationale du Québec, chacun des partis reconnus, pour peu que les conditions réglementaires soient réunies, ainsi que les députés indépendants, reçoivent ainsi des sommes pour leurs services de recherche, pour les cabinets des titulaires de certaines fonctions parlementaires et pour les frais de déplacement de leurs collaborateurs.

Dans les autres parlements, les groupes parlementaires bénéficient d’aides de nature et de montant extrêmement variables, à la hauteur des différences de degré d’organisation entre les groupes. Les besoins ne sont, en effet, pas les mêmes entre un groupe employant un secrétaire et un agent de bureau (Sénégal) et son homologue regroupant près de 40 collaborateurs (Assemblée nationale française)…
Dans la plupart des cas, les assemblées mettent à la disposition des groupes parlementaires des locaux, voire des salles de réunion (France).
Par ailleurs, les groupes reçoivent, le plus souvent sur une base proportionnelle au vu de leurs effectifs, des subventions de fonctionnement et des crédits pour rémunérer le personnel. Au Parlement de la Communauté française de Belgique, il s’agit de deux dotations budgétaires individualisées, alors qu’à la Chambre des députés du Luxembourg, les dépenses de personnel donnent lieu à un remboursement sur pièces, dans la limite d’un plafond.
En France, à l’Assemblée nationale, les groupes politiques peuvent, par ailleurs, bénéficier de ressources supplémentaires provenant soit de la cession, par les députés, d’une partie de leur crédits collaborateurs, soit de cotisations imposées à leurs membres.

22.- La fonction publique parlementaire

En vertu de l’autonomie administrative et financière qui préside au fonctionnement des assemblées parlementaires (Cf. Chap. IV), toutes les assemblées francophones disposent d’une administration autonome, distincte de la fonction publique exécutive. Notons que le degré de séparation entre les administrations parlementaire et exécutive est largement fonction de la séparation effective des pouvoirs de l’État. Ainsi en France, où la séparation des pouvoirs est très marquée, on est en présence d’une séparation organique stricte des fonctions publiques parlementaire et exécutive, alors que dans les parlements de tradition britannique, davantage caractérisés par la collaboration des pouvoirs, cette séparation est essentiellement fonctionnelle et n’empêche pas les passages de l’une à l’autre.

Au vu des contributions, il est permis de dégager, à ce stade, quelques lignes directrices.

Tout d’abord, dans la très grandes majorité des cas, l’administration parlementaire est placée sous la responsabilité unique d’un Secrétaire général (Québec, Sénégal, Roumanie, Togo…) ou d’un Greffier (Canada, Communauté française de Belgique, Luxembourg) agissant à titre de chef de l’ensemble des services de l’administration. Ce dernier relève directement, en dernier ressort, soit du Président qui dirige les services de la chambre (Québec), soit du Bureau de l’Assemblée (Roumanie).
À cet égard, l’administration parlementaire française constitue une exception dans la mesure où la structure distingue, pour l’essentiel, services législatifs, placés sous la responsabilité du Secrétaire général de la présidence et services administratifs, placés sous celle du Secrétaire général de la Questure. Cette organisation épouse, en fait, la séparation entre, d’une part, la Présidence et, d’autre part, les trois députés élus questeurs qui, sous l’autorité du Bureau dont ils sont membres, exercent des pouvoirs étendus en matière financière, comptable et administrative dans le cadre de l’autonomie de gestion des assemblées. Le cas de la Tunisie est également particulier puisqu’y coexistent quatre structures « horizontales », soit le cabinet, le Secrétariat général, la direction générale des affaires administratives et financières et le bureau des recherches et études parlementaires.

Ensuite, quelles que soient leur organisation et leur structure, les administrations parlementaires fournissent une gamme de prestations globalement comparables, que l’on peut regrouper en quatre catégories ou missions principales :

Les prestations relatives à la gestion des débats parlementaires, liées au fonctionnement de l’assemblée délibérante, qui regroupent principalement les tâches de greffe proprement dit, l’organisation de la séance plénière et des réunions de commissions, l’enregistrement des débats…On peut aussi rattacher à cette catégorie les prestations de documentation « de base » (compilation des textes…). Il s’agit du « cœur de métier » de l’administration parlementaire, qui relève toujours, plus ou moins directement, du Secrétaire général ou du Greffier.
Les prestations de gestion administrative, financière et humaine et de soutien logistique, notamment informatique. Sans aller jusqu’au schéma français, certains parlements regroupent cependant tout ou partie de ces services sous l’autorité d’un secrétaire général adjoint (Québec) ou d’un directeur général (Tunisie).

Les prestations concourant à la diplomatie parlementaire, qui correspondent aux tâches de protocole, de relations parlementaires et de gestion des déplacements des parlementaires à l’étranger.
À ces missions somme toute traditionnelles, on peut ajouter les tâches de communication, qui se sont plus récemment développées, en particulier pour satisfaire les besoins des médias.

Au-delà, les administrations parlementaires peuvent également proposer des prestations d’assistance technique et intellectuelle, qui regroupent les activités de documentation, de recherche, d’étude et d’analyse.
Si, comme on l’a vu, la plupart des parlements mettent à la disposition de leurs membres des services de documentation élémentaire, c’est toutefois dans ce domaine que les particularismes et les différences sont sans doute les plus marqués, au vu de la nature des mandats confiés aux parlementaires, des méthodes du travail parlementaire et de la culture administrative et politique. De fait, l’ensemble de ces données détermine, notamment, un partage des tâches entre les structures politiques – les groupes parlementaires principalement – et les structures administratives, ce qui se traduit directement dans l’organigramme de ces dernières.

Ainsi, l’administration parlementaire française fait une large place à l’assistance intellectuelle et technique aux parlementaires. En particulier, les fonctionnaires des commissions ont pour tâche non seulement de gérer les questions de procédures, mais aussi d’assister directement les députés dans leurs tâches de législateurs ou de contrôleurs (aide à la rédaction de rapports et d’amendements…). En sens inverse, dans les parlements de type britannique, au Canada et au Québec, cette assistance technique et intellectuelle relève des services de recherche des groupes parlementaires, alors que les services des assemblées se concentrent sur la gestion de la procédure, qui, rappelons le, est un enjeu majeur pour le bon fonctionnement de ces parlements.