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Chapitre IV. L'organisation du Parlement

Synthèses

par Rémi Schenberg

Quel que soit le système auquel ils se rattachent, en dépit du fait qu’ils se différencient dans bien des domaines, les Parlements appartenant à l’espace francophone, tout comme leurs homologues du reste du monde d’ailleurs, sont des institutions auxquelles incombent, du moins sur le plan des principes, des missions essentielles largement comparables.
D’abord, il s’agit d’assurer la représentation, dans leur diversité, des mandants que sont les électeurs. Telle est, notamment, la vocation des formations politiques au sein des assemblées. Ensuite, il leur appartient de mettre en oeuvre un processus délibératif censé conduire à l’adoption d’une mesure ou d’un texte. Cela suppose, non seulement, une enceinte de débats et de votes - en pratique un organe plénier - mais aussi des instances d’instruction et de préparation des décisions devant être adoptées par ce dernier. Dans le prolongement de cette fonction délibérative, la mission de contrôle du gouvernement suppose aussi, généralement, l’existence d’enceintes dédiées à la composition restreinte.

Par ailleurs, les assemblées parlementaires, au-delà de leurs missions constitutionnelles fondamentales, constituent des organisations plurielles et collégiales qui, comme telles, se sont dotées de structures adaptées à ce cadre particulier. Les organes directeurs se répartissent donc toujours, moyennant des prérogatives variables, entre une présidence personnalisée, assurant, notamment, la représentation de l’institution, une instance collégiale permettant la participation des différentes sensibilités à la prise de décision et, parfois, une autorité chargée spécialement des questions administratives et financières. Enfin, comme toute organisation, les Parlements peuvent compter sur le soutien d’une administration à qui incombe la mission d’en assurer le fonctionnement quotidien. Notons que, en définitive, sur chacun de ces points, un parlement ne se différencie guère d’organisations non politiques telles que les associations, les fondations, voire les entreprises organisées sous forme sociétale.

Enfin, par nature peut-on dire, les parlements bénéficient d’un degré plus ou moins élevé d’autonomie financière, juridique et administrative, corollaire de leur indépendance à l’égard du pouvoir exécutif.
Les contributions des parlements membres illustrent ces observations d’ensemble. Les convergences sont indéniables, en particulier dans les parlements pouvant s’appuyer sur une pratique parlementaire déjà conséquente : Président, vice-Présidence, bureau, commissions, font ainsi partie du vocabulaire parlementaire commun, moyennant, bien entendu, des nuances sur les rôles de ces organes. Des différences peuvent aussi être mises en évidence. Elles se cristallisent, essentiellement, sur le degré d’autonomie financière et administrative, sur les pouvoirs confiés aux Présidents, sur les autorités en charge de la gestion administrative.

À ce stade, une constante mérite, d’ores et déjà, d’être relevée. Convergences et divergences sont, à l’examen, relativement indifférentes aux grandes césures que représentent la structure fédérale ou unitaire de l’État et l’existence d’une ou deux chambres.

1.- DES PARLEMENTS QUI S’INSCRIVENT DANS UN CADRE INSTITUTIONNEL DIVERSIFIÉ

L’organisation des Parlements de l’espace francophone s’inscrit dans un cadre institutionnel hétérogène. De ce point de vue, il n’y a pas, à proprement parler, de « culture » francophone, chaque pays ayant une organisation constitutionnelle fruit de son histoire, de ses traditions politiques ou des influences juridiques auxquelles il se rattache.

1-1.- Des Etats aux formes multiples

Les deux formes d’Etat – unitaire ou fédéral – se rencontrent dans l’espace francophone, mais l’État unitaire est le modèle le plus répandu. De fait, seuls la Belgique, le Canada et la Suisse ont opté pour une structure fédérale, en phase, notamment, avec la diversité linguistique et culturelle qui les caractérise. Dans ces derniers cas de figure, les contributions sont susceptibles de porter sur les parlements fédéraux et, le cas échéant, sur les parlements des entités fédérées, Communautés, provinces ou cantons.

Au delà de cette summa divisio traditionnelle, les parlements francophones connaissent aussi des environnements institutionnels plus originaux. Le modèle régional est ainsi celui du Val d’Aoste, qui constitue, au sein de la République italienne, une région autonome à statut spécial... D’autres systèmes institutionnels, tout en se rattachant à celui de l’Etat unitaire, inscrivent explicitement dans leur Loi fondamentale un principe, plus ou moins marqué, de décentralisation. Il en est ainsi du Cameroun, de la France, de Madagascar et du Tchad.

1-2 – Une ou deux chambres ?

Sur ce terrain, les assemblées francophones affichent également une grande diversité.

Les parlements d’entités fédérées et, plus généralement, infraétatiques, sont, logiquement, monocamérales. Se rangent donc dans cette catégorie le Parlement de la Communauté française de Belgique, le Conseil régional de la Vallée d’Aoste, le Grand Conseil du Valais et l’Assemblée nationale du Québec. Notons, toutefois, que parlement d’entité fédérée ne rime pas nécessairement avec monocamérisme : au Québec, jusqu’en 1968, coexistaient une Assemblée législative et un Conseil législatif.

Le monocamérisme est également de mise pour bon nombre de parlements francophones : Andorre, Burkina Faso, Cap-Vert, Guinée, Liban (pour le moment), Luxembourg, Macédoine, Monaco, Tchad. Il est difficile de mettre en évidence un dénominateur à ces Parlements ayant opté pour une chambre unique, sauf à observer que, pour la plupart d’entre eux, il s’agit de représentation nationale d’États comptant une population limitée. On observera que le monocamérisme du Luxembourg est particulier puisque, formellement, le Parlement est composée de la Chambre et du souverain. Conformément à la logique des monarchies constitutionnelles, il en est de même au Québec, où le Parlement comprend l’Assemblée nationale et le Lieutenant-Gouverneur, représentant de la Couronne britannique.

Les autres parlements sont bicaméraux. Cette option est systématique dans les États fédéraux – Belgique, Canada, Suisse - puisque, par construction, une chambre représente la population, l’autre les entités fédérées.

Mais les états unitaires sont également nombreux à disposer de deux chambres, caractéristique, le plus souvent, des États les plus peuplés. Si, pour certains, la coexistence de deux chambres est une donnée institutionnelle déjà établie (France, Congo, Gabon, Roumanie…), pour d’autres, il s’agit d’une innovation récente – février 2007 au Sénégal - voire, pour le moment, d’une réalité encore virtuelle (Togo).
Au sein de la catégorie des parlements bicaméraux, certains connaissent un régime de bicaméralisme égalitaire, d’autres un bicaméralisme inégalitaire.

Ainsi, la Roumanie et la Suisse mettent en présence deux chambres aux pouvoirs législatifs et politiques strictement identiques. En revanche, situation semble-t-il la plus fréquente au vu des contributions faisant état de cette précision, le bicaméralisme inégalitaire est de mise au Parlement fédéral belge, au Parlement fédéral canadien et en France. D’une manière générale, les chambres hautes ne peuvent y mettre en jeu la responsabilité du gouvernement et leurs prérogatives législatives sont moins étendues. En France, le gouvernement peut ainsi donner le dernier mot à l’Assemblée nationale pour l’adoption d’un projet de loi et, en Belgique, certaines lois sont par nature « monocamérales ». Le Sénat du Canada dispose, en revanche, de compétences législatives presqu’identiques à celles de la Chambre des Communes, exception faite de l’initiative financière.

Le caractère inégalitaire du bicaméralisme peut aussi se traduire par un rôle spécifique confié à la Chambre haute. Le Sénat de Belgique exerce ainsi des compétences particulières en matière de traités internationaux et de relations avec les régions et communautés.

2.- DE L’AUTONOMIE À LA SOUVERAINETÉ PARLEMENTAIRE

L’indépendance des assemblées parlementaires, condition sine qua non de leur bon fonctionnement, est, traditionnellement, garantie par une double autonomie, à la fois financière et administrative.

Dans le domaine parlementaire, l’autonomie financière a une signification particulière dans la mesure où les assemblées, sauf de manière anecdotique, ne disposent pas de ressources propres. Par définition, ces dernières sont donc issues des recettes publiques, fiscales et non fiscales, et transitent nécessairement par le budget de l’État. Dans ces conditions, le degré d’autonomie d’une assemblée se juge à l’aune des procédures et pratiques selon lesquelles celle-ci, d’une part, élabore et vote librement son budget et, d’autre part, gère, exécute et contrôle les crédits nécessaires à son fonctionnement mis à sa disposition. Quant à l’autonomie administrative, qui témoigne de l’indépendance organisationnelle, logistique et intellectuelle, elle peut être évaluée au vu de l’existence ou non d’une fonction publique parlementaire spécifique, placée sous la seule autorité des organes dirigeants de l’Assemblée.

D’une manière générale, les Parlements francophones satisfont, à de très rares exceptions près justifiées par des situations particulières, à ces critères d’autonomie. Au-delà de ce constat d’ensemble, c’est en fait tout le spectre de l’autonomie parlementaire qui est couvert, de l’autonomie encore restreinte des « jeunes » parlements, à la « souveraineté » constitutionnelle des parlements du type britannique.

2-1. – L’autonomie financière

Dans beaucoup des Parlements de l’espace francophone, l’autonomie financière est un principe qui figure dans les textes fondamentaux. Andorre, le Burkina Faso, Cap-Vert, Gabon, Roumanie l’inscrivent expressément dans leurs Constitutions. L’autonomie financière peut aussi être garantie par des lois à statut particulier (Guinée, Madagascar, Tchad), voire par le Règlement intérieur (Sénégal), ce qui cependant renvoie aux conditions dans lesquelles celui-ci est élaboré.
En France et au Maroc, l’autonomie financière ne figure pas, en tant que telle, dans un texte particulier. Il s’agit d’une sorte de « principe général de droit parlementaire », conforté par des dispositions particulières et une pratique quasi constitutionnelle. Peu ou prou, la même situation prévaut en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.

Au Canada et au Québec, l’autonomie financière n’est pas dénuée de tout fondement écrit. Conséquence du principe de la souveraineté parlementaire, elle trouve en fait son origine dans le Bill of rights qui fait partie de la Constitution du Canada. Au Québec, elle est, de plus, explicitement retranscrite dans la Loi sur l’Assemblée nationale. Toutefois, l’autonomie administrative et financière est surtout liée à la reconnaissance des privilèges parlementaires qui garantissent aux assemblées, entre autres, le droit d’administrer leurs propres affaires internes, privilèges qui, rappelons le, ont un statut constitutionnel.
Quelques parlements ne font pas directement référence au principe d’autonomie. Outre la Macédoine, où l’autonomie est fortement tempérée par une forte implication du ministère des finances, le Conseil national de Monaco ne la revendique pas, même s’il en possède certains des attributs. Il en est de même du Parlement togolais, faute de moyens.

Concrètement, l’autonomie se traduit partout, sous des formes parfois différentes, par le fait que l’assemblée concernée détermine souverainement le montant des crédits qui lui sont nécessaires et qu’elle vote le budget qui en découle. Cette maîtrise totale n’empêche cependant pas que les demandes budgétaires prennent en compte les contraintes qui s’imposent au budget de l’État (Québec,…). Enfin, l’autonomie financière peut aller jusqu’au contrôle interne du budget, par exemple par une commission spécialement chargée de cette tâche (France, Luxembourg).
Par ailleurs, l’autonomie financière se manifeste par le fait que les dépenses sont ordonnées par les autorités politiques de l’assemblée. C’est ainsi, le plus souvent, la compétence du Président (Burkina Faso, Congo, Guinée, Madagascar, Québec, Sénégal), mais elle peut aussi appartenir au Bureau (Andorre) ou à des parlementaires, les Questeurs, auxquels échoient les responsabilités administratives et financières (France).

2-2 – L’autonomie administrative

L’existence d’un appareil administratif propre fournissant l’assistance matérielle, technique et intellectuelle au travail des parlementaires (cf. supra, Chapitre III) est communément considérée comme un élément constitutif de l’indépendance d’un parlement, celui-ci n’étant plus, de facto, dépendant de l’administration étatique pour satisfaire ces missions.

De fait, la très grande majorité des parlements francophones dispose d’une administration dont ils assurent le recrutement, placée sous leur seule autorité et disposant d’un statut particulier destiné à garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. Au Québec, l’administration de l’Assemblée nationale ne relève pas d’un statut spécifique, mais elle est placée sous la seule autorité du Président qui inscrit son action dans le cadre des privilèges parlementaires, ce qui constitue une puissante garantie d’autonomie. Ne dérogent donc réellement à ce constat que le Conseil national monégasque, et le Parlement du Togo pour les raisons déjà évoquées.

Pour l’essentiel, les quelques nuances méritant d’être soulignées résident dans l’autorité qui assure la direction des services de l’Assemblée. Certaines administrations parlementaires – les plus nombreuses – sont placées directement sous l’autorité du Président (Burkina Faso, Guinée, Madagascar, Maroc, Québec, Sénégal, Tchad,…), alors que d’autres relèvent du Bureau, c’est-à-dire d’un organe collégial (Cameroun, France, Roumanie).

3.- DES ORGANES DIRECTEURS PLUS OU MOINS DIVERSIFIÉS ET SPÉCIALISÉS

Comme on l’a déjà mentionné, la structure des instances dirigeantes d’une assemblée parlementaire reproduit un schéma somme toute assez banal, que l’on retrouve dans d’autres organisations non politiques. De ce point de vue, la logique qui prévaut résulte davantage des contraintes de la prise de décision dans un organe collégial et pluriel que d’impératifs d’ordre constitutionnel.

Chaque assemblée de l’espace francophone élit donc un président pour diriger ses débats et la représenter, et met en place un organe collégial, aux prérogatives variables, reflétant sa diversité. À cette structure de base, certaines assemblées ajoutent une autorité spécialement chargée d’assumer les responsabilités administratives et financières. Enfin, parce que la mission fondamentale d’un parlement reste d’organiser et de mener bien des débats, les règlements désignent une instance compétente pour organiser l’ordre du jour.

3-1. - La présidence des assemblées : du « speaker » gardien de la procédure au deuxième personnage de l’État

Quels que soient ses pouvoirs, un Président d’assemblée est un personnage de premier plan. Dans certains cas, il lui est reconnu des prérogatives politiques qui confortent encore davantage sa place dans le fonctionnement des institutions.

Son premier pouvoir, le Président le tient de son mode d’élection. Contrairement à d’autres titulaires de fonctions parlementaires, il est, dans la plupart des parlements francophones, élu par ses pairs pour la durée de la législature. Lorsqu’existe une chambre haute qui fait l’objet de renouvellements partiels, son président est élu à chacun d’entre eux (France, Maroc). Deux sections seulement dérogent à ce principe commun. Il s’agit, d’une part, du Sénat du Canada où le Président est nommé par le Gouverneur Général, sachant que les membres du Sénat sont tous nommés par celui-ci sur recommandation du Premier ministre et, d’autre part, des assemblées fédérales en Suisse où, selon une pratique courante dans la Confédération, la présidence est tournante, pour un an.

Tous les Présidents des assemblées disposent d’un socle de compétence correspondant aux pouvoirs « standards ». Ils dirigent les débats de la chambre, la représentent face à l’exécutif et vis-à-vis des autres parlements en matière de relations internationales, ils président le Bureau ou son équivalent (voir infra), ils sont responsables du maintien de l’ordre et, bien souvent, ils dirigent son administration et ses services.

À ces pouvoirs unanimement reconnus, viennent parfois s’ajouter certaines responsabilités qui conduisent à conférer aux Présidents un rôle éminent allant jusqu’à leur reconnaître le statut de deuxième personnage de l’État.

Dans les parlements du type britannique, le Président est avant tout le garant de l’équilibre démocratique des délibérations, principe qui, on l’a vu, est un des fondements de ces régimes parlementaires. Le Président est donc le gardien des droits et privilèges de son assemblée et de ses membres. À ce titre, son impartialité est confortée par certaines interdictions – au Québec, le Président ne fait partie d’aucun groupe parlementaire et ne prend pas part aux votes, sauf en cas d’égalité des voix, et encore veille-t-il à ne pas modifier le statu quo. Le Président est le seul habilité à rendre des décisions en matière de procédure et celles-ci ne sont pas susceptibles de recours. Notons que l’impartialité caractérise aussi la fonction de Président d’autres assemblées, mais elle est explicitement mise en exergue dans les parlements de type britannique.

De fait, dans les sections d’inspiration continentale, le statut des Présidents est davantage marqué par les prérogatives institutionnelles et politiques qui lui sont parfois dévolues.

Cela se traduit par le rang protocolaire qui leur est parfois reconnu : deuxième et quatrième personnage de l’État pour, respectivement, les Présidents du Sénat et de l’Assemblée en France et au Gabon, troisième pour celui de l’Assemblée du Burkina Faso.

Les Présidents d’assemblée sont parfois invités à assurer l’intérim du Chef de l’État en cas d’empêchement de ce dernier. Cette responsabilité peut être confiée au Président du Sénat (France, Gabon), ou collégialement à ceux des deux chambres (Roumanie).

Plus fréquemment, les Présidents disposent de pouvoirs à l’égard des juridictions constitutionnelles. Ils en nomment certains de leurs membres (France, Congo, Gabon, Maroc) et peuvent leur déférer certains textes (France, Maroc, Roumanie).

Les pouvoirs de nomination sont variables. Hormis le cas des cours constitutionnelle, à Andorre, le Président nomme des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Mais c’est en France que les prérogatives sont les plus larges, puisque les Présidents d’assemblée nomment un ou plusieurs membres d’autorités administratives indépendantes et désignent des députés ou sénateurs pour siéger dans des organismes où une représentation parlementaire est prévue.
Enfin, le rôle politique de certains Présidents peut être conforté par l’obligation qui est faite de les consulter dans certaines circonstances : utilisation des pouvoirs « de crise » (Burkina Faso, France), dissolution (France, Roumanie).

3-2. – Les instances collégiales : les conseils d’administration des assemblées

La quasi totalité des assemblées francophones connaît l’institution du « Bureau », parfois appelé « Bureau permanent », considéré comme l’organe de direction collégial de l’institution. Selon cette acception, le Bureau dispose de larges compétences sur l’organisation et le fonctionnement interne des chambres ; il régit, notamment par pouvoir normatif, aussi bien leurs activités strictement parlementaires que leur fonctionnement matériel et administratif.

Ne font exception à cette organisation que peu de parlements.
D’abord, les assemblées du type britannique apparaissent rétives à ce type de structures. Le Sénat du Canada ne connaît pas de Bureau en tant que tel et les responsabilités administratives sont assumées par un « comité permanent de la Régie interne », c’est à dire une commission ad hoc. Le Bureau de l’Assemblée nationale du Québec, présidé par le Président et composé de 9 députés désignés par leur groupe, n’exerce, quant à lui, que des fonctions strictement administratives, alors que certaines des tâches incombant normalement aux Bureaux dans les autres assemblées sont dévolues à la Commission de l’Assemblée nationale, présidée par le Président.
Ignore également l’instance collégiale que constitue un bureau le Parlement de Macédoine.

En règle générale, le Bureau, quand il existe, est composé du Président, des vice-présidents et de secrétaires qui exercent des responsabilités particulières en matière de procès-verbaux et de vote. Certaines assemblées prévoient, cependant, une composition élargie. Ainsi, au Liban et au Luxembourg, le Bureau comprend également des membres supplémentaires. Au Sénégal, il associe les Présidents des groupes parlementaires, alors qu’en Tunisie, il ne comprend pas de secrétaires, mais accueille, en revanche, les Présidents de commissions.
L’examen des compétences des Bureaux ainsi constitués conduit à mettre en évidence deux aspects qui donnent lieu à des réponses différentes : le traitement des questions administratives et financières et la problématique de la fixation de l’ordre du jour.

Sur chacun de ces deux points, les parlements du type britannique se distinguent une nouvelle fois. D’abord, on a vu qu’aussi bien au Canada qu’au Québec, les affaires administratives ne relevaient pas des Bureaux entendus comme le conseil d’administration de l’Assemblée, mais d’une instance spéciale. Ensuite, au chapitre de l’ordre du jour, il convient d’indiquer, dès à présent, que le système parlementaire britannique confie sa fixation au Gouvernement qui appelle les affaires inscrites au « Feuilleton » des assemblées. L’ordre du jour peut donner lieu à des négociations entre le Gouvernement et les leaders de l’opposition, dont celui de l’opposition officielle, mais il n’est pas fixé, de manière plus ou moins concertée, au sein d’une instance parlementaire ad hoc.

Dans les autres parlements, les questions administratives peuvent relever directement du Bureau (Andorre, Cap-Vert, Communauté française de Belgique, Liban, Monaco, Suisse), mais dans les autres cas, notamment dans les assemblées de tradition française, elles sont confiées à des députés spécialement élus à cet effet, membres du Bureau, les Questeurs. Même si des nuances apparaissent ici et là, ceux-ci assurent en propre, ou par délégation du Bureau ou du président, la gestion administrative, financière et comptable de leur assemblée. En France, ils s’appuient sur le Secrétariat général de la Questure et sur l’ensemble des services administratifs qui en relèvent.
Les Questeurs sont en nombre variable, entre deux et quatre. La pratique (France) ou les textes peuvent conduire à confier un poste de Questeur à l’opposition. En règle générale, les questeurs agissent collégialement, sauf au Congo et à Madagascar ou les deux questeurs sont spécialisés.

Au chapitre de l’ordre du jour, deux schémas coexistent au sein des parlements de tradition continentale.

Au Liban et en Tunisie, c’est au sein du Bureau que celui-ci est fixé. Mais ce cas de figure est très minoritaire. Dans les autres assemblées, la fixation de l’ordre du jour s’effectue dans un organe collégial distinct du Bureau.

Généralement, cet organe prend le nom de « Conférence des Présidents » ou de « Conférence des leaders » lorsque les responsables des groupes portent ce nom (Cap-Vert, Roumanie).
Comme son nom l’indique, il regroupe le plus souvent Président, Vice-président, Présidents de groupe, Présidents de commissions et, le cas échéant, un représentant du gouvernement, en l’occurrence le ministre chargé des relations avec le Parlement. Il existe cependant quelques cas de compositions atypiques : Présidents de Groupe seuls (Andorre), présence du Bureau dans son entier (Communauté française de Belgique, Guinée), non représentation des Présidents de commission (Luxembourg), Président de l’assemblée et Présidents de groupe ou leaders (Val d’Aoste et Roumanie).

Si la fixation de l’ordre du jour est la compétence essentielle de cet organe, celui-ci est parfois habilité à intervenir dans d’autres domaine tenant à l’organisation générale des débats – temps de parole, organisation des discussions (France, Gabon, Luxembourg, Roumanie, Sénégal). En France, la pratique et les textes ont conduit à élargir son rôle à d’autres aspects de l’organisation des travaux parlementaires (création de missions d’information, examen de différentes questions touchant la séance publique …..).

4.- UN STATUT DES FORMATIONS POLITIQUES ASSEZ HOMOGÈNE

Les assemblées parlementaires sont les acteurs principaux de la démocratie représentative, aussi leur composition reflète nécessairement la diversité de l’opinion pluraliste. Pour que la fonction de représentation puisse être effective, plusieurs outils sont envisageables. Parmi ceux-ci, la possibilité donnée à ces sensibilités de s’organiser au sein de groupes politiques constitués, connectés avec les partis politiques qui rassemblent les électeurs, est un moyen privilégié.
À ce chapitre, les parlements francophones ne font pas preuve d’une spécificité particulière. Les groupes politiques parlementaires y sont largement reconnus et ils jouent un rôle important dans la vie quotidienne des assemblées. Les différences se focalisent essentiellement autour des prérogatives qui leur sont reconnues et des moyens mis à leur disposition, encore que dans ces domaines, les différences sont plus de degré que de nature.

De fait, presque tous les parlements couverts par la présente étude reconnaissent les groupes politiques et organisent leur statut, généralement dans leur Règlement. Seul le Parlement monégasque reste silencieux sur cette institution.

Traditionnellement, les groupes politiques sont l’émanation parlementaire des partis politiques, mais ils restent des structures distinctes. Cas unique, la chambre du Luxembourg admet la création de groupes « techniques », a priori sans attache partisane directe. Notons que dans les assemblées de tradition britannique, la distinction entre groupes politiques et partis politiques est moins nette, le chef du groupe parlementaire duquel est issu le gouvernement étant le chef du Gouvernement, alors que le Chef du groupe de l’opposition officielle est le chef de l’opposition. Au Sénat du Canada, les groupes sont, ni plus ni moins, le « caucus » parlementaire du parti. À Québec, la notion de groupe parlementaire s’est substituée à celle de « parti reconnu », directement liée aux règles de procédures parlementaires : pour faire partie d’un groupe, il faut notamment avoir été élu sous la bannière du même parti.

Il faut toujours un effectif minimum pour constituer un groupe, calculé généralement en nombre absolu de députés ou en pourcentage des membres de l’Assemblée (Gabon, Togo, Tunisie). Seul cas d’espèce, au Québec, la « qualification » d’un groupe s’obtient soit en fonction du nombre de députés (12 au minimum), soit au regard du pourcentage de voix obtenu lors des dernières élections générales (20%). Le Parlement luxembourgeois prévoit cependant un statut pour les députés qui ne satisfont pas aux critères quantitatifs retenus pour la constitution d’un groupe, en reconnaissant la notion de « sensibilité politique », à laquelle est attaché un statut.

Partout, les groupes sont structurés autour d’un président ou d’un leader qui assure en fait les mêmes fonctions (Cap-Vert, Roumanie). Les groupes parlementaires des assemblées du type britannique sont traditionnellement beaucoup plus structurés. Normalement, les groupes s’organisent autour des chefs (Premier ministre pour le groupe formant le gouvernement, chefs de l’opposition pour les autres groupes), des leaders (ici les « stratèges » parlementaires qui gèrent le procédure), des Whips (chargés de la discipline de groupe) et des présidents de caucus (qui président les réunions du groupe parlementaire), auxquels s’ajoutent les titulaires des autres fonctions parlementaires (secrétaires parlementaires des ministres, leaders-adjoints, etc…).

À de très rares exceptions près (Tchad et, dans une moindre mesure, Togo), les groupes parlementaires disposent d’importantes prérogatives dans le déroulement de la procédure parlementaire (participation à l’organe qui fixe l’ordre du jour, temps de parole privilégié, droit d’initiative…). Dans plusieurs parlements, des pouvoirs sont, par ailleurs, confiés personnellement aux Présidents des groupes. En France, par exemple, outre leur participation à la Conférence des Présidents, ceux-ci peuvent demander la constitution de commissions spéciales, des suspensions de séance, des scrutins publics… Des droits comparables existent au Gabon et en Roumanie.

La plupart des parlements accordent aux groupes constitués des subsides et des moyens matériels. Font exception les assemblées de Macédoine et du Togo. Évidemment, les situations sont très contrastées, allant de la mise à disposition d’un chauffeur et d’une secrétaire aux versements de dotations importantes avec la prise en charge des frais de personnels par l’assemblée concernée.
Si les groupes sont des acteurs majeurs de la vie parlementaire, la situation des députés qui ne souhaitent se rattacher à aucune sensibilité est cependant prise en compte. De fait, dernier point commun, les parlements francophones, dans leur grande majorité, reconnaissent les députés non-inscrits – appelés députés indépendants dans les assemblées du type britannique – auxquels ils accordent un statut, des droits et, parfois, des moyens.

5.- LES ORGANES D’INSTRUCTION ET DE PRÉPARATION DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE : UNE SOPHISTICATION EN LIEN AVEC L’ÉVOLUTION DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Il est patent que les missions fondamentales qui incombent à un parlement – le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement – ne peuvent être correctement conduites et menées à bien dans le cadre unique de ses séances plénières.

De fait, le travail législatif comprend une phase d’analyse technique qui trouve nécessairement sa place dans une enceinte plus réduite, permettant de préparer le débat en séance publique. On aura, dans les chapitres ultérieurs, l’occasion de constater que le rôle imparti à ces organes varie selon les systèmes parlementaires, allant de l’instruction des décisions à prendre en chambre à la prise en charge complète de l’élaboration législative, la chambre se contentant alors, dans les faits, d’assumer politiquement le travail qui y a été effectué.

Quant au contrôle du gouvernement, celui-ci recouvre deux aspects. Il s’agit, d’abord, du contrôle « politique », exercé à l’occasion de séances de questions ou d’interpellation, ou encore lors de la mise en cause de la responsabilité du gouvernement, dont le lieu est, par essence, la séance publique. Il s’agit, ensuite, du contrôle « technique », et notamment budgétaire, dont les méthodes – auditions, demandes de renseignements - s’accommode à l’évidence mieux d’enceintes plus restreintes.

5-1.- Les commissions : un organe à part entière de travail parlementaire

Tous les parlements francophones, à l’instar de leurs homologues du reste du monde, connaissent des organes de préparation du travail parlementaire, commissions ou comités permanents. La plupart d’entre eux prévoient également la création de commissions ad hoc, spéciales ou d’enquêtes, permettant de réaliser un travail ponctuel sur une période de temps circonscrite. Le Parlement français, quant à lui, se distingue par la diversité et la sophistication des structures d’instruction, d’étude et d’évaluation qui se superposent aux instances traditionnelles que sont les commissions parlementaires.

Si tous les parlements disposent de commissions parlementaires, tous ne disposent pas de la même latitude vis-à-vis de leur création, de leur composition ou de la définition de leurs attributions.

La marge de manœuvre de certains parlements est, à cet égard, plus étroite. Ainsi, si les attributions des commissions parlementaires françaises relèvent des Règlements des assemblées, leur nombre est, pour le moment, limitativement fixé par la Constitution (6) et, de fait, n’a pas varié depuis 1958.

En revanche, dans d’autres parlements, nombre, composition et attributions de ces organes relèvent du seul Règlement des chambres, ce qui confère une plus grande souplesse de fonctionnement. Il en est ainsi, notamment, au Liban et dans le Val d’Aoste. Dans certaines autres assemblées, la marge de manœuvre est encore plus large puisque les attributions ou la répartition des commissions procèdent d’une délibération de la chambre concernée (Cap-Vert, Luxembourg), voire de la Conférence des Présidents (Parlement de la communauté française de Belgique). Dans les Parlements de tradition britannique, même si le principe des commissions est prévu par une loi de nature constitutionnelle (Québec), nombre, composition et attributions sont du ressort des seules assemblées en vertu de leur privilège de réglementer leurs affaires internes.

Certains parlements disposent d’une commission particulière, à savoir celle constituée de la chambre elle-même, qui se réunit alors en commission. Cette formule, utilisée souvent pour l’étude de projet très technique ou à certaines phases de la procédure législative, est courante dans les assemblées du type britannique. Tel est ainsi le cas au Sénat du Canada et à l’Assemblée nationale du Québec. L’Assemblée nationale du Cap-vert dispose également d’une telle possibilité.

Tous les parlements disposent de commissions sectorielles, compétentes aussi bien dans le domaine législatif que dans celui du contrôle. On aura l’occasion de revenir sur le rôle des commissions dans le processus parlementaire, mais on peut souligner, d’ores et déjà, que si les mandats qui leur sont confiés sont globalement équivalents, certaines assemblées leur attribuent des missions plus hétérogènes. A l’Assemblée nationale du Québec, par exemple, les commissions sont explicitement chargées de l’étude des projets de loi, de mandats statutaires, des mandats qui leurs sont confiés par la loi ou de mandats dont elles se dotent de leur propre initiative, illustrant la place déterminante du travail en commission dans le processus parlementaire.

Le nombre de commissions sectorielles est très variable. La majorité des parlements répartissent les domaines de compétence entre 6 et 10 commissions, mais certains en mettent en place sensiblement plus : 17 au Luxembourg et à la Chambre des députés roumaine, 16 au Liban, 12 à Madagascar. Il est difficile de tirer des conclusions de ce constat. Tout au plus peut-on observer que la limitation à 6 par la Constitution française a procédé d’une volonté claire de prévenir une éventuelle paralysie de l’exécutif résultant de commissions trop spécialisées et trop alignées sur la structure du Gouvernement.

Quelques assemblées superposent, à cette architecture de base, des commissions statutaires à compétence « horizontale » : Commission du Règlement (Communauté française de Belgique, Luxembourg), Commission de rédaction (Suisse), Commission de l’Assemblée nationale et Commission de l’administration publique (Québec).

À l’exception du Cameroun et de la Guinée, les parlements francophones connaissent le principe des structures non permanentes, dédiées, selon le cas, à l’examen de projets de lois transversaux, à des travaux d’études ou à des enquêtes parlementaires.

Il peut s’agir de commission temporaires ad hoc – commissions spéciale, d’enquête ou de contrôle – dont l’existence se termine avec l’achèvement de leurs mandats. Il peut aussi s’agir de sous-commissions créées aux mêmes fins au sein des commissions elles-mêmes (Tunisie) ou de missions d’information, également internes aux commissions ou communes à plusieurs d’entre-elles, et dont le champ, comme leur nom l’indique, est la réalisation d’étude ponctuelle (France, Sénégal).

Toujours au chapitre des commissions non permanentes, le Québec connaît un dispositif, unique semble-t-il : des commissions parlementaires spéciales peuvent y être créées par la loi et certaines de ces commissions peuvent être élargies à des non parlementaires tout en étant soumises aux règles de la procédure parlementaire.

5-2.- Les délégations et offices : des enceintes sui generis au service de l’évaluation parlementaire

Les assemblées francophones ont eu à répondre à la question des « délégations et offices parlementaires ».
Pour la plupart d’entre elles, ces concepts sont purement et simplement inconnus dans leur droit parlementaire.
Pour d’autres, le vocable « délégations parlementaires » se réfère uniquement aux délégations de leurs membres dans les assemblées ou organisations internationales ou aux structures d’échanges bilatéraux ou multilatéraux entre parlements (Sénat du Canada, Roumanie, Cap-Vert).

Au vu des contributions disponibles, seule la France disposerait de structures particulières entrant dans ce cadre, c’est-à-dire entendues comme des enceintes permanentes de travail parlementaire, disposant de certaines prérogatives, mais dont la mission n’est ni normative, ni décisive dans le processus législatif.

De fait, la création de ces organes d’un type particulier a procédé du souhait des assemblées françaises de se doter d’une capacité d’expertise autonome.

Créées par des lois, les délégations parlementaires sont ainsi des organes de réflexion qui sont propres à chaque assemblée et ont des règles spécifiques de fonctionnement. Trois ont une activité régulière : les Délégations parlementaires pour l’Union Européenne, dont la mission principale est d’informer les assemblées sur les travaux de l’Union européenne et qui joue un rôle essentiel dans l’examen des projets textes européens ; les Délégations à l’aménagement et au développement durable du territoire et les Délégations aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
Également institués par des lois, les Offices parlementaires sont des organes de réflexion communs aux deux chambres, qui disposent aussi de règles propres de fonctionnement. Trois Offices existent à ce jour : l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le plus ancien, l’Office parlementaire pour l’évaluation de la législation, et l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé.

Cette diversification de l’architecture institutionnelle des organes de travail parlementaire, encore une fois, jusqu’à présent, spécifique à la France, a deux explications essentielles. D’abord, il s’agit, certainement, au cas particulier, de compenser le « bridage » constitutionnel du nombre de commissions, qui limite leur spécialisation et ne concourt pas à faciliter le travail approfondi en effectif restreint sur des sujets « pointus ». L’ingénierie parlementaire vient donc, d’une certaine manière, pallier les contraintes constitutionnelles. Ensuite, elle reflète une tendance du travail parlementaire en France où le travail d’évaluation et d’analyse – qui donne, notamment, une place effective aux membres de l’opposition - prend de l’importance face au travail législatif, parfois jugé ingrat dans un contexte de complexité normative croissante.