Chapitre VI. La procédure législative/ Section 3. La discussion en séance/ Procédures particulières d'adoption/

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Procédures particulières d'adoption

A) - Les procédures d’examen rapide

Les assemblées ne disposent que d’un temps limité pour la tenue de leurs séances. Or, le Parlement est couramment saisi de textes qui exigent, certes, l’intervention du législateur, mais n’en présentent pas moins un intérêt plus technique que politique.

C’est essentiellement pour la discussion de ces textes que les assemblée ont introduit dans leur règlement des dispositions autorisant le recours à des « procédures abrégées » (Sénat) ou à une « procédure d’examen simplifié » (Assemblée nationale). Ces procédures ont pour point commun de raccourcir la phase de discussion générale ou, le cas échéant, de la reporter en amont, devant la commission saisie au fond.
Les procédures abrégées au Sénat

L’application de l’une ou l’autre des procédures abrégées, « le vote sans débat » et « le vote après débat restreint », est décidée en conférence des présidents, sur proposition du président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, d’un président de groupe ou du Gouvernement. Elle doit recueillir l’approbation de tous les présidents des groupes politiques.

La procédure de vote sans débat en séance publique a pour effet de reporter l’examen du texte et des amendements qui s’y rapportent devant la commission saisie au fond, qui ne peut se réunir avant un délai de soixante-douze heures suivant l’expiration du délai limite pour le dépôt des amendements. Le ou l’un des signataires de chaque amendement peut participer aux débats de la commission. La participation du Gouvernement est de droit.

Les amendements, ou les sous-amendements, rejetés par la commission peuvent avant la clôture de la discussion générale être repris par leur auteur, qui dispose de cinq minutes pour les présenter ; il est ensuite procédé au vote sur ces amendements, sur ceux adoptés par la commission lorsqu’il en existe, ainsi que sur l’article auquel ils se rapportent.

Le Président met enfin aux voix l’ensemble du texte, y compris, pour les articles autres que ceux adoptés en application de l’alinéa précédent, les amendements retenus par la commission. Avant le vote sur l’ensemble, la parole peut être accordée, pour cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

Le vote sans débat est converti de plein droit en vote après débat restreint à la demande du Gouvernement formulée au plus tard quatre jours avant la date prévue pour le vote du texte en séance publique. Il en est de même lorsque le Gouvernement a déposé un ou plusieurs amendements après que la commission ait statué.

En cas d’utilisation de la procédure de vote après débat restreint, le débat se déroule en séance publique. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le président et le rapporteur de la commission, les auteurs d’amendements et, sur chaque amendement, un orateur d’opinion contraire. Les interventions autres que celles du Gouvernement, sont limitées à cinq minutes. Avant le vote sur l’ensemble, la parole peut être accordée pour cinq minutes à un orateur de chaque groupe.
Enfin, il ne peut être fait usage de ces procédures pour les projets ou propositions de loi ayant un caractère constitutionnel, organique ou budgétaire ni pour ceux ayant trait à certaines matières, considérées comme fondamentales, telles que les lois d’amnistie, les lois d’habilitation visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, le régime électoral des assemblées parlementaires ou le régime des libertés publiques.

La procédure d’examen simplifié à l’Assemblée nationale

La procédure d’examen simplifié est décidée en conférence des présidents, à la demande du Président de l’Assemblée nationale, du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe. L’adoption de cette procédure doit recueillir l’agrément de tous les participants. Le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe peuvent encore s’y opposer jusqu’à la veille de la discussion. En cas d’opposition manifestée dans ces conditions le texte concerné est examiné suivant la procédure de droit commun.

Une autre garantie du respect des droits d’expression des députés, notamment de l’opposition, est apportée par la disposition selon laquelle le dépôt par le Gouvernement d’un amendement postérieurement à l’expiration du délai d’opposition entraîne automatiquement le retrait du texte de l’ordre du jour de l’Assemblée et le retour à la procédure de droit commun pour sa discussion ultérieure.

La procédure d’examen simplifié comporte :
- une brève discussion générale au cours de laquelle ne peuvent intervenir que le Gouvernement, le rapporteur de la commission saisie au fond, celui ou ceux des commissions saisies pour avis et un orateur par groupe politique. Les interventions, sauf celles du Gouvernement, sont limitées : dix minutes pour le rapporteur de la commission saisie au fond et cinq minutes pour le rapporteur de la ou des commissions saisies pour avis et les représentants des groupes.
- une discussion abrégée des articles : ceux sur lesquels il n’est pas présenté d’amendements ne sont ni appelés, ni mis aux voix ; les amendements et les articles auxquels ils se rapportent sont seuls discutés, étant observé qu’il n’y a pas d’intervention sur les articles, ni droit de réponse à la commission et au Gouvernement pour les amendements.
Par ailleurs, l’article 107 du Règlement institue une procédure encore plus rapide pour les projets de loi autorisant la ratification d’un traité ou l’approbation d’un accord international : ceux-ci sont en effet directement mis aux voix, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
En outre, la procédure d’examen des crédits budgétaires dans le cadre des commissions élargies (voir section 2 ci-dessus) constitue, de fait, une autre procédure d’examen rapide.

B) – La procédure accélérée

L’engagement de la procédure accélérée (article 45, al. 2 de la Constitution) s’est substitué depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 à la déclaration d’urgence. Il permet au Gouvernement d’accélérer la procédure législative en raccourcissant le mouvement de va et vient entre les deux assemblées

la procédure accélérée répond à un double objectif :
-  le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire dès après une seul lecture par chaque assemblée, comme c’était déjà le cas avec la déclaration d’urgence, et donc sans que la première assemblée saisie se soit prononcée sur les modifications introduites par la seconde ;
-  les délais d’examen en première lecture prescrits par la Constitution (six semaines après le dépôt devant la première assemblée saisie et quatre devant la seconde assemblée) ne sont plus impératifs.
Accessoirement la procédure accélérée supprime le délai de sept jours instauré par le règlement de l’Assemblée nationale entre la mise en ligne du texte de la commission et le début de son examen en séance.
Lorsqu’il décide d’engager cette procédure sur un texte – à l’Assemblée nationale jusqu’à 13h la veille de la conférence des présidents qui précède l’ouverture du débat en première lecture ; au Sénat, en principe lors du dépôt mais impérativement avant son inscription à l’ordre du jour lorsqu’il s’agit d’une proposition de loi – le Gouvernement en avise le président de l’assemblée concernée. La conférence des présidents peut alors s’opposer à cette procédure et en cas d’opposition conjointe des conférences des présidents des deux assemblées, la procédure accélérée ne peut être engagée.

En revanche elle est de droit pour les projets de loi de finances (sauf les lois de règlement) et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; à l’opposé elle ne peut être utilisée pour les projets ou propositions de révision de la Constitution (article 89, al. 2 de la Constitution).

C)- Le vote unique ou « vote bloqué »
Le vote bloqué, procédure inscrite à l’article 44, al. 3 de la Constitution, permet au Gouvernement de demander à l’une ou l’autre assemblée de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui.

Le Gouvernement dispose d’une grande latitude pour mettre en œuvre cette procédure. Il est libre de choisir le moment où il annonce son intention de faire usage de cette procédure. Il lui appartient de définir le texte qui fait l’objet du vote unique : une partie du texte en discussion - un article ou un groupe d’articles - ou l’ensemble du texte ; il décide également des amendements qui seront retenus.

La mise en œuvre de cette procédure a pour effet de supprimer le vote sur les amendements et les articles faisant l’objet du vote unique. Elle ne permet pas de faire obstacle à la discussion de tous les articles et des amendements qui s’y rapportent, y compris des amendements non retenus par le Gouvernement.

D) - L’engagement de responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un texte

La Constitution autorise le Premier ministre, après délibération en Conseil des ministres, à engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale seulement sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ou sur un seul autre projet ou proposition de loi par session. Cette limitation résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : auparavant le Gouvernement pouvait en user autant de fois qu’il le souhaitait et quelque soit la nature du texte (au cours de la XIème législature le gouvernement eu recours à 39 reprises à l’article 49-3 de la Constitution).

Cette procédure ne peut pas être mise en œuvre devant le Sénat, le Gouvernement n’étant pas responsable devant cette assemblée.
Comme dans le cas du vote bloqué, le Gouvernement est libre de choisir le moment où il engage sa responsabilité et de décider du contenu du texte sur lequel il l’engage. Mais, à la différence du vote bloqué, l’engagement de responsabilité a pour effet de suspendre immédiatement la discussion du texte sur lequel il porte.

À compter de l’engagement de responsabilité s’ouvre un délai de 24 heures pendant lequel des députés peuvent déposer une motion de censure.

Une motion de censure n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Si une motion de censure est déposée, il est pris acte de son dépôt. Cette motion est ensuite discutée et mise aux voix dans des délais et des conditions fixées par la Constitution et le Règlement de l’Assemblée (voir ci-après, chapitre VIII, section 1). La motion n’est adoptée que si elle recueille la majorité des voix des membres composant l’Assemblée, seuls les députés favorables à son vote participant au scrutin.

Si aucune motion de censure n’est déposée dans le délai de 24 heures ou si la motion n’est pas adoptée, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est considéré comme adopté. Cependant, l’engagement de responsabilité ne vaut que pour la lecture au cours de laquelle il a été mis en œuvre et n’a donc aucune incidence sur le déroulement de la navette.

Si la motion de censure est adoptée, le Premier ministre doit remettre la démission de son Gouvernement et, de manière subsidiaire, le texte sur lequel portait l’engagement de responsabilité est considéré comme rejeté.