Chapitre VI. La procédure législative/ Section 2. L'examen en commission/

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Section 2. L'examen en commission

I. – La détermination de la commission compétente

Les projets de loi et, après examen de leur recevabilité les propositions de loi, déposés sont envoyés à l’examen d’une commission saisie au fond. Le cas échéant, les commissions permanentes autres que celle saisie au fond ont la faculté de présenter un avis sur le texte concerné. En outre, la commission des affaires européennes (laquelle n’est pas une commission permanente au sens de l’article de 43 de la Constitution) peut également présenter des observations sur tout texte portant sur un domaine couvert par les activités de l’Union européenne.

A) - La commission saisie au fond

Cette commission peut être, soit une commission spécialement constituée pour examiner un texte donné, soit une des six commissions permanentes de l’assemblée saisie en premier du texte concerné.
- a) Renvoi à une commission permanente

Le Président, de l’Assemblée nationale ou du Sénat, procède au renvoi du texte devant l’une des commissions permanentes (huit à l’Assemblée nationale, six au Sénat) au vu de leurs compétences telles qu’elles sont fixées par les règlements des assemblées.

En cas de conflit de compétence - ou dans l’hypothèse où la commission saisie se déclarerait incompétente - le Président de l’Assemblée nationale propose par priorité la création d’une commission spéciale, mais si sa proposition est rejetée, le choix de la commission compétente est du ressort de l’Assemblée. Au Sénat la question est, en principe, réglée par la constitution d’une commission spéciale.

- b) Constitution d’une commission spéciale

A l’Assemblée nationale, la constitution d’une commission spéciale est de droit lorsqu’elle est demandée soit par le Gouvernement, soit par un ou plusieurs présidents de groupes représentant la majorité absolue des membres de l’Assemblée. Elle peut également être demandée par un président de commission permanente, un président de groupe ou au moins quinze députés. Une telle demande est alors considérée comme adoptée, sauf opposition formulée par le Gouvernement, un président de commission permanente ou un président de groupe politique. Lorsqu’une telle opposition est formulée, l’Assemblée est appelée à se prononcer à l’issue d’un débat restreint.

Au Sénat, le règlement prévoit cinq motifs d’envoi du texte à une commission spéciale :
-  le Sénat peut le décider, (1)sur proposition du Président, (2) à la demande d’un président de commission ou de groupe ou (3) sur proposition de la conférence des présidents en cas de pluralité de demandes d’avis ;
-  le renvoi est ordonné d’office (4) sur demande du Gouvernement ou (5) si aucune commission ne s’estime compétente ou au contraire en cas de conflit de compétence entre plusieurs commissions
L’effectif des commissions spéciales est désormais fixé à 37 membres au Sénat et à 70 membres (auxquels la commission peut s’adjoindre au plus deux députés non inscrits) à l’Assemblée nationale. A l’Assemblée nationale, le nombre de députés appartenant à une même commission permanente ne peut par ailleurs pas dépasser 34 et un président de commission permanente peut désormais également présider une commission spéciale, ce qui était proscrit jusqu’à la réforme du Règlement du 27 mai 2009.

B) - La saisine pour avis

L’une ou plusieurs des commissions permanentes non saisies au fond ont néanmoins la possibilité de se saisir pour avis de tout ou partie d’un projet de loi, d’une proposition de loi ou des crédits de tout ou partie des crédits d’une mission budgétaire.

L’usage, consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, est que le projet de loi de finances, du fait qu’il concerne l’ensemble des départements ministériels, soit renvoyé au fond à la commission des finances et pour avis aux autres commissions permanentes.

En bonne logique, il n’y a, en revanche, pas de saisine pour avis possible en cas de constitution d’une commission spéciale.

Dans la mesure où la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 conduit à engager le débat en séance sur le texte adopté par la commission saisie au fond, les commissions saisies pour avis sont tenues de se réunir avant la commission saisie au fond, de telle sorte que leurs amendements puissent être examinés et le cas échéant intégrés dans le texte discuté en séance.

II. – La procédure d’examen

A) - La préparation du rapport

Toute commission saisie d’un texte, qu’elle soit permanente ou spéciale, saisie au fond ou pour avis, procède d’abord à la désignation, en son sein, d’un rapporteur, dont le rôle est d’éclairer les travaux de la commission en lui présentant un rapport dans lequel il expose ses vues sur le texte et, le cas échéant, fait des propositions d’amendement.

Afin d’accorder aux commissions un temps d’examen suffisant, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a fixé un délai entre le dépôt d’un texte et son examen en première lecture en séance publique : il est de six semaines devant la première assemblée saisie et de quatre semaines devant la seconde assemblée saisie. Ces délais ne s’imposent plus si un texte est examiné selon la procédure accélérée. Toutefois, la Constitution impose le respect d’un délai de quinze jours devant la première assemblée saisie d’un projet de loi organique.

Assisté par le secrétariat de sa commission, le rapporteur doit tout d’abord se livrer à un important travail préparatoire : Il étudie le texte et s’entoure de tous les avis qu’il juge nécessaires. Il peut notamment rencontrer les membres des cabinets ministériels et les hauts fonctionnaires concernés. Il peut proposer l’organisation d’auditions de personnalités compétentes, auxquelles le bureau de la commission peut accorder une certaine publicité, notamment en permettant à la presse ou au public d’y assister ou en décidant une production et une diffusion audiovisuelle de ses travaux.

Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances sont les seuls à bénéficier, vis-à-vis de l’exécutif, de pouvoirs d’investigation juridiquement définis, qui leur permettent de procéder à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles. Tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’ils demandent doivent leur être fournis, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat et du respect du secret de l’instruction et du secret médical. Dans la pratique, les autres rapporteurs ne rencontrent généralement pas de difficultés pour obtenir les informations demandées.
Les auditions du rapporteur sont systématiquement ouvertes à l’ensemble des commissaires. Le rapporteur de la commission saisie au fond est en outre tenu de communiquer aux commissaires un document faisant état de l’avancement de ses travaux lors de la semaine qui précède l’examen du texte en commission, dès lors que le délai entre le dépôt et l’examen du texte en séance est de six semaines.

B) - L’examen du rapport

Une fois ces travaux préparatoires achevés, l’examen du texte est inscrit à l’ordre du jour d’une séance de la commission concernée, à laquelle peuvent participer, outre ses membres, les membres du Gouvernement intéressés, ainsi que les membres d’autres commissions, en particulier les auteurs d’amendements et l’auteur de la proposition examinée, et les rapporteurs des commissions saisies pour avis.

Des amendements peuvent être déposés sur le texte examiné en commission par tout député jusqu’au troisième jour ouvrable qui précède l’examen en commission à 17 heures à l’Assemblée nationale, sauf décision contraire du président de la commission. Le Conseil constitutionnel considère que cette faculté reconnue au président de la commission « doit permettre de garantir le caractère effectif de l’exercice du droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution ». Le rapporteur, les éventuels rapporteurs pour avis et le Gouvernement ne sont pas tenus par ce délai de dépôt des amendements en commission.

Après une discussion générale – qui peut être remplacée par l’audition du ministre concerné suivie d’un débat qui en tient lieu - ouverte par l’exposé du rapporteur, la commission examine les articles du texte, assortis des amendements présentés par le rapporteur, les autres membres de la commission ainsi que, si le dépôt a eu lieu à temps, par des députés extérieurs à la commission ou par le Gouvernement.

A ce stade, chaque président de commission saisie au fond s’assure de la recevabilité financière des amendements afin d’éviter que la commission n’introduise dans le texte des dispositions irrecevables. Les commissions saisies pour avis sont tenues de se réunir avant la commission saisie au fond afin que leurs propositions puissent être prises en compte par cette dernière. Le Gouvernement est désormais fréquemment présent lors de l’examen des projets de loi mais sa présence reste toutefois exclue dans le cas des projets de lois dont le texte n’est pas établi en commission (lois de finances, de financement de la sécurité sociale, projets de révision constitutionnelle).

Chaque amendement est adopté ou rejeté par un vote de la commission, qui conclut ses travaux par un vote sur l’ensemble du texte.
La portée des décisions de la commission est variable selon la nature des textes soumis à son examen.

Depuis le 1er mars 2009, les amendements adoptés par la commission saisie au fond d’un projet ou d’une proposition de loi sont immédiatement intégrés au texte, qui sera examiné en séance publique sous cette forme modifiée (alors que cette règle ne s’appliquait auparavant qu’à l’examen en première lecture devant la première assemblée saisie d’une proposition de loi). Ce n’est qu’à défaut de l’établissement d’un texte par la commission, soit qu’elle ait voté le rejet du texte, soit qu’elle n’ait pas pu achever l’examen du texte dans les temps, que le texte discuté en séance publique est celui dont l’assemblée a été initialement saisi.

En revanche, pour les projets de révision constitutionnelle, pour les projets de loi de finances et pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale, la discussion s’engage en séance sur la base du texte proposé par le Gouvernement ou transmis par l’autre assemblée. Les propositions faites par les commissions prennent alors la forme d’amendements, soumis aux mêmes règles de recevabilité financière et aux mêmes conditions d’examen que ceux des groupes ou des députés à titre individuel.

En principe, les règles de procédure suivies dans les commissions sont, mutatis mutandis, les mêmes que celles applicables dans l’hémicycle, excepté pour les motions de procédure, lesquelles ne sont désormais présentées qu’à l’occasion de la discussion générale des textes de loi en séance publique, mais dans la réalité, elles s’y appliquent cependant avec beaucoup plus de souplesse. Les discussions se déroulent en général dans un climat serein, et les décisions sont prises avec un formalisme minimal ; le vote par scrutin n’est pratiquement jamais demandé et le « quorum », c’est-à-dire la présence de la majorité des commissaires, est très rarement invoqué, ayant perdu de son intérêt comme moyen d’obstruction, depuis que la séance suivante peut désormais être tenue moins de quinze minutes après, contre trois heures auparavant.

Le travail préparatoire du rapporteur, ainsi que les délibérations de la commission, sont synthétisés dans un rapport, mis en distribution avant le débat public, qui constitue le principal instrument de travail des parlementaires et qui contient :
- une analyse globale du texte, de sa place dans la législation qu’il modifie et des comparaisons internationales qu’il suggère, ainsi qu’un jugement politique d’ensemble ;
- une analyse du contenu de chaque article et des débats dont chacun a fait l’objet ;
- un tableau comparatif dans lequel apparaissent, en colonnes juxtaposées, la législation applicable avant l’intervention du projet (ou les textes de référence), le texte du projet initial (ou celui transmis par l’autre assemblée), et les amendements adoptés par la commission ;
- le « sommier », recueil des amendements non adoptés par la commission ;
- le cas échéant, deux annexes d’information : l’une sur le droit européen applicable ou en cours d’élaboration et rappelant les positions prises par l’Assemblée par voie de résolution ; l’autre établissant la liste des textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la nouvelle législation.

Le texte résultant des travaux de la commission fait l’objet d’une diffusion et d’une impression distinctes, et il est la base de référence pour le dépôt d’amendements en vue de l’examen en séance.

C) - L’examen des amendements après l’adoption du rapport

Les amendements qui n’ont pu être déposés à temps pour être examinés en même temps que le rapport doivent néanmoins être examinés par la commission saisie au fond, la veille ou le jour de la séance publique, dans le cadre d’une ou plusieurs réunions.

Au cours de ces réunions, le rapporteur peut déposer des amendements qui, en cas d’adoption, seront cependant considérés comme des amendements déposés à titre individuel par un député et non comme des amendements de la commission. Si cela s’avère nécessaire, une ultime réunion d’examen des amendements peut avoir lieu avant l’ouverture de la discussion des articles.

D) – Réexamen du texte en Commission

La commission peut être amenée à réexaminer un texte, en cours de discussion, dans trois circonstances :
- l’adoption d’une motion de renvoi en commission : la commission doit alors présenter un nouveau rapport dans un délai fixé par le Gouvernement s’il s’agit d’un texte inscrit à l’ordre du jour prioritaire, ou par l’assemblée dans le cas contraire ;
- l’adoption au Sénat d’une demande de renvoi pour coordination : le président de séance peut décider le renvoi à cette commission d’un ou plusieurs articles et des amendements qui s’y rapportent ;
- l’adoption, avant les explications de vote, d’une demande de seconde délibération de tout ou partie du texte à la demande du Gouvernement ou de la commission. La commission présente alors un nouveau rapport - généralement verbal - sur les dispositions renvoyées.

E) - Une particularité du débat budgétaire à l’Assemblée nationale : La commission élargie

En vue d’accélérer l’examen des rapports spéciaux sur les crédits de la seconde partie du projet de loi de finances de l’année et d’alléger le calendrier de la séance publique, très chargé lors de la session budgétaire de l’automne, la Conférence des Présidents peut décider, sur proposition de la commission des finances, que l’examen de certaines missions budgétaires ait lieu au cours d’une réunion commune de la commission des finances, de l’économie générale et du plan et de la ou des commissions saisies pour avis.

La réunion, désignée sous l’appellation de « commission élargie » est coprésidée par les présidents des commissions concernées : les crédits des missions sont examinés en présence du Gouvernement et dans des conditions de publicité analogues à celles de la séance publique ; ils ne font ensuite l’objet, en séance publique, que d’un très bref débat suivi de l’examen des éventuels amendements et du vote des crédits. Le compte rendu des commissions élargies est publié au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la séance au cours de laquelle la mission est discutée.

Cette pratique, initiée sous la XIe législature, a été consacrée dans le Règlement de l’Assemblée nationale en juin 2006. Au cours du débat budgétaire consacré à l’examen du projet de loi de finances pour 2010, dix-neuf commissions élargies ont été réunies pour l’examen des crédits de dix-huit missions.