Chapitre VII. Les différentes catégories de lois / Section 3. Les lois ordinaires : le domaine de la loi et du règlement/

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Section 3. Les lois ordinaires : le domaine de la loi et du règlement

A la différence des versions précédentes, la loi n’est plus définie par la Constitution comme étant « votée par le Parlement » (article 34, 1er alinéa abrogé), mais c’est dorénavant le Parlement qui est défini comme l’institution qui « vote la loi » (article 24), à quelques exceptions près (loi référendaire, ordonnances, loi adoptée sans vote de l’Assemblée nationale).

Par ailleurs, en autorisant la loi à « comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. », l’article 37-1 de la Constitution fait également perdre à la loi l’universalité qui caractérisait son application, du moins sur le territoire métropolitain.

La loi « ordinaire » peut désormais être définie comme la loi « par défaut » - celle ne visant aucun objet particulier ou pour laquelle aucune procédure particulière n’est expressément prévue – qui est votée selon les dispositions constitutionnelles dans l’une des matières prévues à l’article 34.

La Constitution de la Ve République assigne à la loi un domaine limité, au-delà duquel elle ne peut intervenir sans empiéter sur les prérogatives réglementaires de l’Exécutif. Bien que la Constitution ne le précise pas, il s’agit bien du domaine de la loi ordinaire. Chacune des autres catégories de loi disposent de leur domaine respectif, déterminé, implicitement ou explicitement.

Rappelons que l’initiative appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

A) - Le domaine de la loi

L’article 34 distingue les matières dans lesquelles le Parlement fixe les règles et celles pour lesquelles il détermine les principes fondamentaux.

La loi fixe les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
- la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
- l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie ;
- le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
- la création de catégories d’établissements publics ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ;
- les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.

Par ailleurs, « la loi détermine les principes fondamentaux :

- de l’organisation générale de la défense nationale ;
- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
- de l’enseignement ;
- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ».

L’article 34 délimite, en outre, les domaines particuliers :
- des lois de finances, qui « déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ;
- des lois de financement de la sécurité sociale, qui « déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses » ;
- des lois de programme, qui « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État » et qui peuvent, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, définir « les orientations pluriannuelles des finances publiques

Néanmoins, le domaine de loi ne saurait se limiter à ce dispositif.

Tout d’abord, le domaine délimité par l’article 34 n’est pas exhaustif, puisque d’autres articles de la Constitution et de son préambule déterminent également les matières législatives (art. 1 : égalité d’accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux responsabilités professionnelles ; art. 4 : expression des opinions et participation des partis à la vie politique ; art. 35 : déclaration de guerre ; art. 36 : prolongation de l’état de siège, art. 53 : autorisation de ratification de certains traités ; articles 72 à 74 dispositions relatives aux collectivités territoriales), sans omettre les nombreux articles relatifs aux formes particulières de la loi.

Ensuite, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a conduit à une extension de fait du domaine de la loi :

- en relativisant la distinction opérée par l’article 34 de la Constitution entre « fixation des règles » et « détermination des principes fondamentaux » ;
- en limitant fortement le domaine du règlement autonome.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel empêche le législateur d’abandonner ou de négliger son propre domaine :
- en affirmant que le législateur ne peut pas priver de garantie légale une règle, un principe ou un objectif à valeur constitutionnelle ;
- en estimant que le législateur ne peut se reposer sur le règlement pour préciser certaines dispositions dans des matières « nobles » comme les libertés publiques. regardées comme satisfaisant aux exigences de l’article 34 de la Constitution »).

Enfin, le Conseil constitutionnel a estimé que la procédure de l’article 61 permettant de déférer devant lui les lois avant leur promulgation pour qu’il se prononce sur leur conformité à la Constitution ne pouvait être utilisée par le Gouvernement pour protéger sa compétence réglementaire.


B) - Le domaine du règlement

La diversité des sujets relevant de la compétence du législateur, telle qu’elle figure à l’article 34 de la Constitution, est très large. Mais son champ d’intervention n’est plus illimité, comme il l’était sous les Républiques précédentes. L’article 37 définit le domaine réglementaire dans lequel le Gouvernement peut prendre des décrets, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas précisément compris dans le domaine de la loi.

L’article 37 ouvre au pouvoir réglementaire un large champ de compétences, non seulement pour l’application de la loi mais aussi dans des matières a priori exclues du domaine de la loi. C’est pourquoi on distingue le pouvoir réglementaire pour l’application des lois et le pouvoir réglementaire « autonome » défini par exclusion des éléments du domaine de la loi énumérés à l’article 34. À titre d’exemple, la procédure civile relève désormais exclusivement du domaine réglementaire, de même que le régime des contraventions, sous réserve que les peines prévues ne soient pas privatives de liberté.

Pour empêcher le législateur d’empiéter sur le domaine du règlement, la Constitution a prévu deux procédures :

- L’irrecevabilité : L’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement d’opposer pendant le déroulement de la procédure législative l’irrecevabilité aux propositions de loi et aux amendements ne relevant pas du domaine de la loi. Dans cette situation, le Président de l’assemblée saisie se prononce. En cas de désaccord avec la position du Gouvernement, le Conseil constitutionnel est saisi et statue dans les huit jours.

- La procédure de délégalisation : l’article 37, alinéa 2 prévoit, quand une loi a été adoptée dans un domaine relevant du règlement, qu’une procédure de délégalisation peut être mise en œuvre pour permettre au Gouvernement d’en modifier les dispositions.

Pour ce faire il est nécessaire de saisir le Conseil constitutionnel qui, s’il reconnaît le caractère réglementaire du texte, autorisera sa modification par décret. Les textes de forme législative antérieurs à 1958 peuvent être modifiés directement par décret pris après avis du Conseil d’État.